Dans un entretien exclusif avec Minayegnan Coulibaly, Directeur Général du Groupement Interbancaire Monétique de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (GIM-UEMOA) dans financialafrik, plusieurs sujets de l’actualité ont été abordés. Le bilan au Gim-Uemoa est la préoccupation majeure.
A.W.A.
« Nous avons d’ores et déjà noté sur le premier trimestre 2020, un accroissement d’environ 29% des volumes de transactions concernant des cartes étrangères qui font du paiement ou des retraits dans la zone ». C’est ce qu’a fait savoir Minayegnan Coulibaly, directeur général du Gim-Uemoa lors de son entretien. Plusieurs sujets ont été abordés avec le nouveau patron de l’institution régionale de la monétique. Il s’agit entre autres de la pandémie du covid-19, la sécurisation des transactions financières et les innovations au niveau du Gim-Uemoa. Sur le premier sujet qui est la pandémie du covid-19, le DG du Gim-Uemoa, confie : «La crise du coronavirus accélère les innovations monétiques». En cette période difficile marquée par la propagation du Coronavirus, il est du devoir de chacun, dans un élan de solidarité agissante et de parfaite complémentarité, de se joindre aux pouvoirs publics pour stopper la progression de cette pandémie. Le GIM-Uemoa, acteur majeur des systèmes de paiement électronique dans l’Uemoa, en parfaite coordination avec la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et la communauté bancaire, a formulé des propositions visant à réduire substantiellement, les frais transactionnels supportés par les usagers. C’est dans ce cadre que la BCEAO a pris le 21 mars 2020, un ensemble de mesures fortes pour accompagner le secteur financier dans son ensemble. Comme vous le savez, dans le contexte actuel, caractérisé par des restrictions de déplacements, l’accès aux moyens et usages de paiement électronique, sont devenus vitaux ».
Les mesures du Gim-Uemoa contre la propagation du covid-19
Les précautions prises au niveau de l’institution de la monétique interbancaire ont été passées au peigne fin. Il s’agit des dispositions mises en place qui permettent donc de faciliter le quotidien des populations et les encourager à limiter les contacts physiques grâce à l’utilisation des moyens de paiement digitaux. Au nombre de ces mesures, on peut citer cinq. Primo, c’est la baisse des tarifs des transactions interbancaires. La baisse des coûts des retraits GAB : désormais tout porteur de carte d’une banque donnée peut faire des retraits sur les GAB des autres banques pour seulement 250 FCFA TTC au lieu de 500 FCFA TTC. La baisse de 50% des commissions supportées par les commerçants acceptant le paiement par carte ; le paiement restant gratuit pour le porteur.
Deuxièmement, c’est le relèvement du plafond de rechargement de cartes prépayées de deux (2) à trois (3) millions FCFA et du cumul mensuel de rechargement de dix (10) à douze (12) millions FCFA. La troisième mesure est le renforcement au niveau des GAB des mesures d’hygiène à l’attention des usagers. La quatrième mesure de GIM-Uemoa, concerne la sensibilisation des populations sur les gestes barrières au GAB pour une utilisation saine de la carte bancaire. La cinquième et dernière mesure est la sensibilisation des populations à l’usage des moyens de paiement électronique notamment la carte bancaire afin de réduire le contact physique en agence. En effet, ces mesures sont applicables depuis le 3 avril 2020 pour une période de trente (30) jours renouvelables en fonction de l’évolution de la situation, et cela représente un effort du Gim-Uemoa à hauteur de 65 millions de Franc CFA, a renseigné le DG.
Le volume des transactions financières
«Le Gim-Uemoa, est aujourd’hui environ 115 établissements interconnectés pour l’interbancarité, un volume de transactions de plus de 11 millions par an en nombre et 1000 milliards de Franc CFA en numéraires soit 1,5 milliard d’euros. Mais il faut souligner que le Gim-Uemoa c’est aussi un Pôle d’activités de processing de transactions numériques (émission et acquisition de moyens de paiement). Grâce à ce type d’activités, nous avons permis notamment à certaines banques de la zone, d’offrir des services monétiques à leur clientèle, y compris l’accès aux réseaux internationaux » a fait savoir le premier responsable de l’institution monétique. En effet, les coûts d’acquisition et d’exploitation des systèmes monétiques ainsi que les coûts d’adaptation aux évolutions technologiques et réglementaires, sont si élevés que, ces banques n’auraient pas pu y faire toutes seules, tout en assurant la rentabilité de leur activité.
Quelques perspectives de la monnaie électronique
Le patron du Gim-Uemoa, Minayegnan Coulibaly n’a pas manque de ressortir quelques projets futurs de son institution après la pandémie du coronavirus. Le Gim-Uemoa s’y prépare, et cela bien avant la crise du coronavirus. Le Gim-Uemoa travaille depuis longtemps sur ces innovations. L’introduction du téléphone dans le monde du paiement et le paiement sans contact sont des pré-requis pour développer le paiement digital. Ainsi, d’ici le deuxième trimestre 2021, nous assisterons à une généralisation dans l’espace Uemoa, de l’émission de cartes sans contact et l’équipement des commerces avec des terminaux de paiement sans contact. Il s’agit de la première étape vers la digitalisation complète des moyens de paiement dans la zone, qui verra se développer de nouveaux usages de paiement et une augmentation des volumes de transactions. Le paiement par QR code est aussi un système qui retient aujourd’hui toute notre attention car, cela facilite les transactions et, représente une formidable opportunité de développement du paiement de masse. A cet égard, nous travaillons sur les spécifications pour la zone, d’un QR Code unifié et interopérable, conforme aux standards et spécifications internationaux. Ainsi, il n’y aura plus qu’un QR Code par marchand pour accepter l’ensemble des moyens de paiement aussi bien régionaux que ceux des réseaux internationaux. Une fois publiés, tous les acteurs opérant dans la zone Uemoa devront se conformer à ces spécifications. « En tant que processeur, nous travaillons sur de nouvelles solutions pour renforcer la palette de produits et services disponibles sur notre plateforme mutualisée à la disposition des banques. La crise actuelle a joué un rôle d’accélérateur pour ces innovations » a-t-il indiqué.
Les innovations et la sécurité des transactions financières
Dans son entretien, le DG du Gim-Uemoa a abordé les mesures prises en matière de cyber sécurité et les innovations dans les transactions financières. » Depuis 2019, la question de la fraude a été largement débattue au sein de nos organes consultatifs du Gim-Uemoa. Dans chacun des pays membres, il y a un comité monétique national (CMN) qui échange sur le sujet et, remonte des propositions de place mais d’autres qui alimentent la réflexion globale. Nous avons aussi mis en place quatre groupes de travail thématiques régionaux dont les objectifs sont de mener des réflexions sur différents sujets structurants dont la sécurité et la lutte contre la fraude, et de formuler des préconisations et recommandations pertinentes à l’attention de la communauté bancaire de l’Uemoa, afin de soutenir la croissance de la monétique interbancaire ». Le DG a expliqué que « la conformité de l’ensemble des acteurs aux standards les plus strictes de l’industrie des paiements en matière de sécurité (EMV, PCI-DSS, 3D Secure, …) ; constitue déjà une exigence du réseau du GIM. Les autres thématiques s’articulent autour de la qualité de services et l’inclusion financière, la tarification et l’équilibre financier ; les règles et normes d’interopérabilité des transactions électroniques dans l’Uemoa. Les participants à ces travaux sont, le Gim-Uemoa, les Banques et Institutions financières membres du Gim-Uemoa. La Bceao y participe en qualité d’observateur. Le DG du Gim-Uemoa a expliqué qu’ils travaillent de manière à renforcer les dispositifs techniques et opérationnels pour la sécurité des systèmes et la lutte contre la fraude. Ainsi, les diligences sont en cours pour intégrer la détection et le traitement temps réel aux dispositifs de lutte contre la fraude. Une étude est également en cours pour la mise en place d’un Security Operation Center (SOC) regional pour compléter et enrichir le plan de résilience global du réseau interopérable régional.
Pour finir, le successeur de Blaise Ahouantchédé à la tête du Gim-Uemoa, a fait savoir que, la communauté citoyenne de l’Uemoa compte environ 120 millions d’habitants et que le Gim-Uemoa et son personnel sont fortement mobilisés durant cette période de crise, pour faciliter l’accès des populations aux moyens et usages de paiement électronique, dans un environnement technique et opérationnel sécurisé. Les collaborateurs ne ménagent aucun effort pour la bonne marche du système, assurant l’amélioration de l’intégration monétique entre 8 pays, un modèle unique en son genre, créé il y a 17 ans. Les Autorités Monétaires de l’Uemoa ont été visionnaires en mettant en place le Gim-Uemoa. Notre mission aujourd’hui est de poursuivre cette œuvre en nous adaptant à un monde en innovation constante où les éditeurs deviennent aussi processeurs et les processeurs deviennent aussi fabricants de terminaux de paiement. « Nous devons évoluer tout en préservant la souveraineté monétique de la zone Uemoa. Nous sommes en train de travailler à développer des partenariats pour permettre l’acceptation des cartes régionales au-delà de l’Uemoa » a-t-il conclu.