Par Dr Damien Ahouandokoun, Juriste , expert en économie maritime et portuaire , Specialiste en aménagement portuaire et développement durable

Image 1 Dockers er tacherons dans un port
L’économie maritime mondiale est en pleine mutation, marquée par le gigantisme naval et la concentration des flux commerciaux. L’apparition de méga-navires dépassant les 20 000 EVP (Équivalents Vingt Pieds) oblige les ports à moderniser leurs infrastructures, renforcer leur productivité et adapter leurs ressources humaines (UNCTAD, 2023 ; World Bank, 2022). En Afrique de l’Ouest, cette transition met en lumière les dockers et tâcherons, maillons essentiels mais souvent négligés de la chaîne logistique portuaire.
Le docker (ou ouvrier portuaire) est un travailleur salarié ou occasionnel affecté aux opérations de chargement, de déchargement et de manutention des marchandises dans les ports. Le tâcheron, quant à lui, est un intermédiaire ou chef d’équipe qui recrute et encadre les dockers pour exécuter des tâches spécifiques à la pièce ou à la journée, souvent sans contrat formel. Tandis que le docker est directement lié à l’activité physique sur les quais, le tâcheron joue un rôle d’organisation et de sous-traitance, parfois critiqué pour sa gestion informelle du travail portuaire.
Ces travailleurs exercent dans des conditions souvent précaires : faible protection sociale, contrats instables, insécurité sur les quais et accès limité à la formation professionnelle (OIT, 2022). Face aux mutations technologiques (automatisation, digitalisation, conteneurisation), leur rôle est de plus en plus menacé.
Les ports africains doivent donc relever un double défi : gagner en compétitivité sans exclure les travailleurs portuaires. Une approche inclusive, fondée sur l’analyse SWOT (forces, faiblesses, opportunités, menaces), permet d’identifier les leviers d’action pour faire évoluer ces professions tout en soutenant la modernisation portuaire.
Cette étude propose ainsi une lecture stratégique du rôle des dockers et tâcherons dans le contexte du gigantisme naval, en identifiant les réformes urgentes à mener pour garantir à la fois efficacité logistique et justice sociale dans les ports d’Afrique de l’Ouest.

Le gigantisme naval, avec des navires porte-conteneurs dépassant 20 000 EVP (équivalent vingt pieds), transforme profondément les opérations portuaires (IHS Markit, 2024). Les ports d’Afrique de l’Ouest, souvent limités en profondeur et en équipements, doivent impérativement moderniser leurs quais, systèmes de manutention et dragage. Pour les dockers et tâcherons, cela implique une montée en compétences vers des opérations plus mécanisées et automatisées, et un nécessaire renforcement des formations techniques.
Les infrastructures actuelles sont souvent inadaptées, conduisant à des engorgements et à une baisse de productivité. Par ailleurs, la précarité contractuelle des dockers limite leur accès à la formation et aux équipements de sécurité, ce qui augmente les risques d’accidents (ILO, 2023). La modernisation doit donc être accompagnée d’une politique sociale volontariste.
Perspectives et recommandations
🔹 Modernisation technique
Prioriser les investissements dans les équipements de manutention adaptés au gigantisme naval (grues plus puissantes, systèmes automatisés).
Réaliser des dragages réguliers pour accueillir des navires à fort tirant d’eau.
🔹 Professionnalisation et formation
Mettre en place des programmes de formation continue et de certification des dockers/tâcherons.
Développer des centres d’excellence en économie maritime et logistique portuaire.
🔹 Amélioration des conditions de travail
Formaliser les emplois avec des contrats clairs et protection sociale.
Instaurer des mesures de santé et sécurité au travail rigoureuses.
🔹 Gouvernance et coordination régionale
Renforcer les capacités des autorités portuaires pour gérer les transformations.
Encourager la coopération entre ports pour partager bonnes pratiques et infrastructures.
La transition vers des ports capables d’accueillir des navires géants est une nécessité stratégique pour l’Afrique de l’Ouest. Cette mutation représente un défi majeur pour les dockers et tâcherons, qui doivent évoluer dans un contexte de mécanisation accrue et de professionnalisation. Le succès de cette transformation dépendra de la capacité des acteurs publics et privés à investir dans les infrastructures, la formation et la régulation sociale, garantissant ainsi une compétitivité durable des ports et la préservation de l’emploi portuaire.
Références bibliographiques
UNCTAD (2023). Review of Maritime Transport 2023. United Nations Conference on Trade and Development. https://unctad.org
World Bank (2022). Africa’s Ports: Reform and Performance. World Bank Group, Transport Global Practice.
Organisation Internationale du Travail (OIT) (2022). Travailleurs portuaires : conditions de travail et évolution des métiers. Genève : Bureau International du Travail.
OECD/ITF (2021). The Impact of Megaships. International Transport Forum Policy Papers, No. 75. Paris : Organisation de Coopération et de Développement Économiques.
AfDB – African Development Bank (2022). Blue Economy: Driving Africa’s Sustainable Growth. African Natural Resources Centre.
Benamara, H., & Hoffmann, J. (2021). “Port efficiency and trade connectivity in Africa.” Journal of Maritime Affairs, 20(4), 305–320.

Dr Damien Ahouandokoun, Juriste , expert en économie maritime et portuaire , Specialiste en aménagement portuaire et développement durable