En route vers la Cop 30, l’Afrique entend défendre une position continentale commune fondée sur la justice climatique et la réforme du financement mondial. Une ambition affirmée depuis Kampala en Ouganda, où s’est tenue la 6ᵉ édition des négociations Africa Climate Talks.
Aké MIDA
« Il est temps que l’Afrique cesse de subir le changement climatique et impose une position continentale commune fondée sur la justice et l’équité ». Tel est le message fort lancé à l’issue de la sixième édition des négociations sur le climat en Afrique (Africa Climate Talks, Act), début avril à Kampala en Ouganda.
Organisé par la Banque africaine de développement (Bad), la Commission de l’Union africaine, la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies, l’Unicef et le Centre mondial pour l’adaptation (Gca), l’événement a réuni gouvernements, institutions internationales, parlementaires et société civile. L’objectif visé est d’harmoniser les ambitions africaines à quelques mois de la trentième Conférence des parties (Cop 30) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Ccnucc), prévue en novembre 2025 à Belém au Brésil. Le principal acquis de la conférence reste la volonté politique d’adopter une position continentale commune, qui sera consolidée lors du Sommet africain sur le climat en septembre prochain en Éthiopie.
« Nous ne pouvons pas parler de développement en Afrique sans nous attaquer de front au changement climatique », a martelé Robinah Nabbanja, Première ministre ougandaise, en ouvrant la conférence. Elle a appelé à une refonte radicale de l’architecture financière mondiale. « Ce n’est pas une question de charité, mais d’équité », a-t-elle insisté.
Corriger une injustice systémique
Le continent ne reçoit actuellement que 3 à 4 % du financement climatique mondial, malgré une vulnérabilité extrême face aux impacts du changement climatique, selon la Bad. Le rapport Landscape of Climate Finance in Africa 2024 de la Climate Policy Initiative (Cpi) indique, par exemple, qu’en 2021-2022, l’Afrique a reçu seulement 3,3 % des flux mondiaux de financement climatique. Une iniquité dénoncée avec force à Kampala.
« L’Afrique subit de plein fouet un problème qu’elle n’a pas créé. Il n’y a aucun scénario dans lequel cela puisse être juste ou acceptable », relève Jaqueline Amongin, présidente des Parlementaires africains pour l’action climatique, dénonçant l’injustice flagrante que subit le continent.
Ce consensus moral et politique sur la justice climatique est au cœur de la stratégie continentale. Il s’agit désormais de le transformer en position commune à défendre lors des négociations internationales.
La conférence a permis de débattre des mécanismes à même de renforcer cette position unifiée. James Kinyangi, coordinateur du Fonds climatique pour le développement de l’Afrique à la Bad, a mis en avant l’Africa Ndc Hub, outil technique d’accompagnement des pays dans l’élaboration de Contributions déterminées au niveau national (Cdn) plus ambitieuses.
Noble ambition
Dans le même esprit, la Bad et le Gca ont présenté les avancées du Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique (Aaap) dont l’objectif est de mobiliser 25 milliards de dollars sur cinq ans pour soutenir les mesures d’adaptation. A ce jour, 12,5 milliards de dollars ont déjà été engagés, et 4,6 millions de personnes bénéficient directement des projets mis en œuvre dans des pays comme le Kenya, l’Ethiopie ou le Soudan du Sud.
Au-delà des financements, les participants ont insisté sur la nécessité pour le continent de se positionner comme moteur d’une transition juste et inclusive en matière de gouvernance climatique. « L’Afrique doit s’élever, non pas dans une position de mendiante, mais en parlant d’une seule voix », a affirmé le professeur Barnabas Nawangwe, vice-chancelier de l’université de Makerere. « Nous sommes prêts à jouer un rôle de premier plan dans la construction de l’infrastructure humaine nécessaire à une Afrique juste, verte et prospère », a-t-il laissé entendre.
L’Unicef, dont c’était la première participation à l’Act, a également rappelé l’enjeu générationnel. Alison Parker, directrice régionale adjointe pour l’Afrique orientale et australe, a rappelé que les enfants et les jeunes sont les plus touchés par la crise climatique, avant de souligner l’urgence d’inclure cette génération dans les plans d’adaptation.