Bien que certains économistes tels que Duvvuri Subbarao, l’ancien gouverneur de la banque centrale de l’Inde, l’aient décrit comme une épée à double tranchant qui offre d’immenses opportunités mais crée aussi de terribles défis, la mondialisation continue son bonhomme de chemin contre vents et marées. Mais au fur et à mesure que bon nombre d’États font appel au protectionnisme dans le but de pallier aux inconvénients de la mondialisation, des voix se lèvent de plus en plus pour la recadrer et si possible chercher une nouvelle approche pour la rendre plus appropriée par rapport aux réalités économiques et géopolitiques de l’heure.
Issa DA SILVA SIKITI
« Durant la période de Bretton Woods, la gestion économique nationale était nettement moins contrainte par les règles mondiales et les exigences des marchés mondiaux. Pourtant, le commerce international et les investissements à long terme ont augmenté de manière significative, et les pays qui ont mis en œuvre des stratégies économiques appropriées, tels que les Tigres d’Asie de l’Est ont réalisé des performances exceptionnelles malgré des niveaux de protection plus élevés sur les marchés des économies avancées », indique Dani Rodrik, professeur d’économie politique internationale au John F. Kennedy School of Government de l’université d’Harvard, dans une tribune publiée au mois de mars dans F&D, le magazine mensuel du Fonds monétaire international (FMI).
Rééquilibrage
Étant donné que le temps passé ne revient plus, Rodrik souligne qu’au lieu d’exprimer la nostalgie d’une époque révolue qui a produit des résultats mitigés et qui n’a jamais été durable, les économistes peuvent aider à concevoir un nouvel ensemble de règles pour l’économie mondiale qui contribuent au rééquilibrage.
Le monde a besoin d’un nouveau modèle de mondialisation, martèle cet éminent économiste, arguant que l’’hypermondialisation a été minée par les luttes distributives, la nouvelle importance accordée à la résilience et la montée de la concurrence géopolitique entre les États-Unis et la Chine. « Inévitablement, nous sommes en plein rééquilibrage entre exigences de l’économie mondiale et obligations économiques, sociales et politiques concurrentes au niveau national », explique-t-il.
Le cri d’alarme de Rodrik coïncide avec celui du président chinois Xi Jinping, qui en 2017, avait appelé au rééquilibrage de la mondialisation et non à son interruption. « Nous devons rester attachés au développement du libre-échange et dire non au protectionnisme », avait-il déclaré lors de son discours d’ouverture de l’édition 2017 du Forum économique mondial (WEF).
Et pour ceux qui, comme Donald Trump, pensent que le protectionnisme est le remède efficace capable de contrecarrer les problèmes économiques de leurs pays, apparemment aggravés par la mondialisation, certains penseurs catégoriquement rejettent cette théorie, en disant qu’il n’apparaît pas non plus comme la meilleure des solutions.
« Le protectionnisme accroît les tensions politiques, qui sont peu favorables à la croissance économique au cas où trop de conflits se développent. Il détériore la compétitivité des entreprises et en grevant la compétitivité, il porte préjudice à la croissance économique du pays, et au bien-être des populations notamment en termes de satisfaction de leurs besoins. Le manque de concurrence accroît la hausse des prix pour le marché intérieur, et ce d’autant plus que les entreprises nationales vendent, du même coup, trop cher pour être compétitives sur le marché international », explique Jean El Khawand, cité par le site de l’université St-Joseph de Beyrouth